DM Commentaire : Jacques REDA, Les Ruines de Paris 1977
Entre les rouleaux de suie au ciel troublé d'effusions' roses, je m'arrête en haut près du pont. Le dernier
pont de Paris vers l'ouest, aux piles minces comme des lames. Je vois la ville poudreuse à droite, et à gauche
les collines plus sombres et fournies que du buis. L'heure est celle du milieu du jour et ce jour est dimanche,
on peut prendre les sens interdits. Je redescends donc la même rampe en roue libre, ponctuant de fréquents
petits coups de frein. Car j'ai l'intention de flotter sous le remblai' et les longs bâtiments d'usine à tours carrées
en bois, comme dans les anciens livres d'Histoire celles des forts des Rois Fainéants'. Mais en même temps je
regrette le hangar où VIDAL ET CHAMPREDONDE' amassent des carrosseries, derrière la gare
Boulevard - Victor. J'aime les rails, la ferraille, la rouille quand, par-dessus, l'espace inaltérable saute et
s'accroît. Puis j'oblique rue Saint - Charles dans un commencement de forêt vierge, sous l'épaisseur d'eau des
platanes jamais taillés. Je m'y absorbe en sachant qu'il faut absolument que je rentre (quelque chose comme
du veau sera trop cuit), et il est certain que je rentre, que je suis rentré. Mais celui que j'ai laissé près des arbres
ou de la ferraille, au bord du pont, celui-là ne consent pas à bouger d'un millimètre; il a saisi.