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Doc.1 : Bartolomé de Las Casas défend certains droits pour les Indiens

Au cours de ces quarante ans, plus de douze millions d’âmes, hommes, femmes et enfants sont
morts injustement à cause de la tyrannie et des œuvres infernales des chrétiens. C’est un chiffre sûr
et véridique. Et en réalité, je crois, et je ne pense pas me tromper, qu’il y en a eu plus de quinze
millions.
Ceux qui sont allés là-bas et qui se disent chrétiens ont eu principalement deux manières
habituelles d’extirper et de rayer de la face de la terre ces malheureuses nations. L’une en leur
faisant des guerres injustes, cruelles, sanglantes, tyranniques. L’autre, après avoir tué tous ceux qui
pourraient désirer la liberté, […] en les opprimant, dans la plus dure, la plus horrible et la plus
brutale servitude à laquelle on n’a jamais soumis hommes ou bêtes. […]
Si les chrétiens ont tué et détruit tant et tant d’âmes et de telle qualité, c’est seulement dans le
but d’avoir de l’or, de se gonfler de richesses en très peu de temps […]. À cause de leur cupidité et
de leurs ambitions insatiables tel qu’il ne pouvait y en avoir de pire au monde, et parce que ces
terres étaient heureuses et riches, et ces gens si humbles, si patients et si facilement soumis, ils
n’ont eu pour eux ni respect, ni considération, ni estime (je dis la vérité sur ce que je sais et sur ce
que j’ai vu pendant tout ce temps). Ils les ont traités je ne dis pas comme des bêtes […] Or jamais
les Indiens et toutes les Indes n’ont fait le moindre mal à des chrétiens.
« Les Indiens sont d’aussi bons entendements, des esprits aussi perspicaces, aussi capables et
dociles pour n’importe quelle science morale et doctrine spéculative. […] Et je ne parle pas de
leurs admirables progrès dans les sciences mécaniques et les arts libéraux comme la lecture et
l’écriture […] la pratique de tous les instruments de musique, la grammaire, la logique, et tout le
reste de ce qui a été enseigné et qu’ils ont écouté. »
Bartolomé de Las Casas, Très bref exposé de la destruction des Indes, 1552, traduit
par Marianne Mahn-Lot, Payot, Paris, 1982