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Sagot :
On le disait dangereux et cruel. ses exploits défrayaient la chronique car rien ne lui faisait peur et il ne reculait devant aucune audace pour parvenir à ses fins. Les autorités ne savaient plus que faire pour l’arrêter. Les avis de recherche émis contre lui étaient placardés dans tous les coins et promettaient une récompense faramineuse… mais hélas, nul ne semblait vouloir se risquer à l’approcher !
Lorsqu’il débarqua sur leur petite île, les pêcheurs terrorisés allèrent s’enfermer au fond de leurs cabanes. La place était déserte… ou presque. Un gamin famélique s’était planté sur le passage de l’équipage, décidé à leur barrer la route. Il espérait du haut de ses dix ans, terrasser le capitaine et empocher la récompense. On l’entendit ordonner au pirate, d’une voix à la fois sèche et arrogante, de se rendre.
L’homme était très grand, un vrai géant. En d’autres circonstances, la scène aurait pu être risible, mais quand ils virent le capitaine tendre le bras pour cueillir le gamin qui se débattait comme un chat sauvage, aucun des pêcheurs n’eut envie de rire. Ce petit n’était le fils de personne, orphelin de père et de mère. Il survivait par ses propres moyens : sa pêche maigrelette, ses petits larcins. C’était triste de le voir finir de cette manière après la dure vie qu’il avait eue, mais personne ne se sentit le courage d’aller le secourir.
Les pirates l’emportèrent avec eux dans la taverne et la porte se referma sur eux et sur leurs rires. Toute la nuit, ils festoyèrent sans être dérangés un seul instant par les habitants. Ceux-ci étaient bien trop contents qu’on les oublie. Peut-être éprouvaient-il un peu de compassion pour le gosse qui avait eu la témérité d’attaquer les bandits et qui devait sûrement regretter sa bravoure à présent. Mais ils préférèrent tous attendre le départ de ces dangereux visiteurs et de leur terrible capitaine pour aller voir.
Les pirates partirent au petit matin. Ils emportaient avec eux des vivres et de l’alcool. Tout ce qu’ils avaient pu trouver, mais de l’enfant on ne voyait aucun signe. Etait-il resté dans la taverne ? Et dans quel état se trouvait-il ? Etait-il seulement, encore en vie ? On ne l’avait pas entendu crier, mais ça ne voulait rien dire : les murs étaient épais. Par prudence, ils attendirent que le bateau ait pris la mer pour se ruer dans le bâtiment.
Le tavernier et sa femme les accueillirent froidement. Ils venaient de vivre une nuit pénible à servir ces soudards, tout tremblants à l’idée qu’un geste de travers, un regard ou une parole malheureuse pourrait leur valoir la mort. Ils en voulaient aux pêcheurs de les avoir laissés seuls face à ces brutes. Quand l’un d’eux s’enquit enfin du sort de l’enfant, dont ils cherchaient vainement le corps, le tavernier eut un rire méchant : »J’espère pour vous qu’il vous oubliera, leur dit-il. J’espère qu’il oubliera votre bonté et votre générosité à son égard et surtout qu’il ne se souviendra pas que vous l’avez lui aussi, abandonné à son sort ! Les pirates l’ont emmené. Vous ne l’avez donc pas vu ? Le capitaine l’a trouvé digne de faire partie de son équipage : c’est leur nouveau mousse. D’ici quelques années, il sera comme eux. Tremblez donc et priez pour qu’il ne se souvienne jamais ! »
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