bade34
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Je travaillais mes cours, j'écoutais des disques, je lisais, toujours dans ma chambre. Je n'en descendais que pour me mettre à table. On mangeait sans parler. Je ne riais jamais à la maison. [...] Mon père est entré dans la catégorie des gens simples ou modestes ou braves gens. Il n'osait plus me raconter des histoires de son enfance. Je ne lui parlais plus de mes études. Sauf le latin, parce qu'il avait servi la messe, elles lui étaient incompréhensibles et il refusait de faire mine de s'y intéresser, à la différence de ma mère. Il se fâchait quand je me plaignais du travail ou critiquais les cours. Le mot « prof» lui déplaisait, ou << dirlo », même « bouquin ». Et toujours la peur OU PEUT-ETRE LE DESIR que je n'y arrive pas. Il s'énervait de me voir à longueur de journée dans les livres, mettant sur leur compte mon visage fermé et ma mauvaise humeur. La lumière sous la porte de ma chambre le soir lui faisait dire que je m'usais la santé. Les études, une souffrance obligée pour obtenir une bonne situation et ne pas prendre un ouvrier. Mais que j'aime me casser la tête lui paraissait suspect. Une absence de vie à la fleur de l'âge. Il avait parfois l'air de penser que j'étais malheureuse. Devant la famille, les clients, de la gêne, presque de la honte que je ne gagne pas encore ma vie à dix-sept ans, autour de nous toutes les filles de cet âge allaient au bureau, à l'usine ou servaient derrière le comptoir de leurs parents. Il craignait qu'on ne me prenne pour une paresseuse et lui pour un crâneur. Comme une excuse: « On ne l'a jamais poussée, elle avait ça dans elle ». Il disait que j'apprenais bien, jamais que je travaillais bien. Travailler, c'est seulement travailler avec ses mains. Les études n'avaient pas pour lui de rapport avec la vie ordinaire. Il lavait la salade dans une seule eau, aussi restait-il souvent des limaces. Il a été scandalisé quand, forte des principes de désinfection reçus en troisième, j'ai proposé qu'on la lave dans plusieurs eaux. Une autre fois, sa stupéfaction a été sans bornes, de me voir parler anglais avec un auto-stoppeur qu'un client avait pris dans son camion. Que j'aie appris une langue étrangère en classe, sans aller dans le payse, le laissait incrédule.


Lecture : 1) Quel est le milieu social de la narratrice* dans son adolescence? Justifiez par un exemple du texte. 2) A quelle valeur le père de la narratrice est-il attaché? A ses yeux, sa fille respecte-t-elle cette valeur? Expliquez en citant le texte. 3) Que représentent les études pour la jeune fille? Pour son père? Expliquez en citant le texte. + 4) Comment décririez-vous les rapports entre le père et sa fille adolescente? Développez votre réponse. ​

Sagot :