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Nous habitions à deux kilomètres au nord de la ligne de démarcation. Une nuit

d’octobre 1942, à deux heures du matin, des gendarmes sont venus nous indiquer que nous

avions trois heures pour préparer nos baluchons et qu’un car viendrait nous chercher…Toutes

les familles juives furent d’une docilité exemplaire et une seulefamille manqua à l’appel.

5 Arrivées à Angoulême, les familles furent regroupées par la police. Trois cents

personnes furent massées dans une grande salle dont le sol était recouvert de paille. Nous

sommes restés là quatre ou cinq jours. Des Allemands en civil collectaient successivement

nos bijoux, notre argent, nos papiers, nos cartes d’alimentation.

Un soir, les Allemands ont indiqué que les enfants qui avaient été déclarés français

10 devaient être séparés des autres le lendemain matin. J’étais le seul concerné dans ma famille.

Mon père me fourra dans la poche un porte-monnaie dans lequel il y avait sa montre à

gousset, la montre de ma mère, leurs deux alliances, son canif et tout l’argent liquide qu’il

avait sur lui : environ sept cents francs.

Le matin de la séparation est venu. Nous étions une dizaine d’enfants de nationalité

15 française. Curieusement, mes parents n’avaient pas déclaré mes frères et sœurs. J’ai voulu

rejoindre mon père. Un bonhomme en civil me donna un coup de pied dans le derrière. Il

gueula : « Reste là, cochon de juif ! »

Mon père pleure. Il m’a tendu les bras. Il m’a crié : « Robert, n’oublie jamais que tu es

juif… »

20 Je me suis mis à rire : je n’avais jamais vu mon père pleurer. Je n’allais pas bien du

tout. Je sais aujourd’hui que ce rire était nerveux. Je me suis toujours demandé si mon père

avait vu ce rire et s’il avait compris que ce n’en était pas un… Et cette question m’obsède. Je

me demande quelle image il a pu garder de moi… Et maquestion ne trouvera jamais de

réponse. J’avais treize ans, mes frères avaient quatre et six ans. Et je n’ai jamais revu ni mon

25 père, ni ma mère, ni ma sœur, ni mes petits frères…

Les sept cents francs de mon père, je les ai encore. Je n’y ai jamais touché. Les

alliances de mes parents ont servi à mon mariage et, aujourd’hui, quand ça ne va pas,je

regarde celle de ma mère…J’ai gardé le porte-monnaie qui n’a pas été ouvert depuis vingtcinq ans. Je conserve les photos de mes parents le jour de leur mariage puis une toute petite

30 photo d’identité de mon père qui date de l’époque où nous avons été séparés. Il avait

quarante-neuf ans…Mais je n’ai aucune représentation matérielle du visage de ma mère

datant de l’époque de sa disparition, si bien qu’il s’est effacé. Cetteimage, oiseau qui disparaît

au loin, hante mes pensées, ineffaçables.


1/En vous appuyant sur le texte et le paratexte indiquez le contexte historique précis de ce

récit. Vous justifierez votre réponse à l’aide de 3 indices

2/a- Expliquez précisément qui est le narrateur dans ce texte

b- Dans quel genre littéraire classeriez-vous ce texte ? Justifiez à l'aide de 2 indices

Sagot :

lex67

Réponse:

1/ le contexte historique de ce récit parle du régime nazie ( lors de la défaite de la France par l'Allemagne) au nord de la France en 1942

Indices :

ligne 1 " Nous habitions à deux kilomètres au nord de la ligne de démarcation."

ligne 4 " les familles juives furent d’une docilité exemplaire"

ligne 7 - 8 "Des Allemands en civil collectaient successivement nos bijoux, notre argent, nos papiers, nos cartes d’alimentation."

le narrateur est Robert car c'est lui qui raconte son histoire et écrit son histoire

ce texte est une autobiographie car

Indices: ligne 10 " J’étais le seul concerné dans ma famille."

ligne 11-12 " Mon père me fourra dans la poche un porte-monnaie dans lequel il y avait sa montre à gousset, la montre de ma mère, leurs deux alliances... "