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16 mai
Je suis malade, décidément ! Je me portais si bien le mois dernier ! J’ai la fièvre, une
fièvre atroce, ou plutôt un énervement fiévreux, qui rend mon âme aussi souffrante
que mon corps. J’ai sans cesse cette sensation affreuse d’un danger menaçant, cette
appréhension d’un malheur qui vient ou de la mort qui approche, ce pressentiment
qui est sans doute l’atteinte d’un mal encore inconnu, germant dans le sang et dans
la chair.
18 mai
Je viens d’aller consulter mon médecin, car je ne pouvais plus dormir. Il m’a trouvé
le pouls rapide, l’œil dilaté, les nerfs vibrants, mais sans aucun symptôme alarmant.
Je dois me soumettre aux douches et boire du bromure de potassium.

25 mai
Aucun changement ! Mon état, vraiment, est bizarre. À mesure qu’approche le soir,
une inquiétude incompréhensible m’envahit, comme si la nuit cachait pour moi une
menace terrible. Je dîne vite, puis j’essaie de lire ; mais je ne comprends pas les mots ;
je distingue à peine les lettres. Je marche alors dans mon salon de long en large, sous
l’oppression d’une crainte confuse et irrésistible, la crainte du sommeil et la crainte du lit.
Vers dix heures, je monte dans ma chambre. À peine entré, je donne deux tours de clef,
et je pousse les verrous ; j’ai peur… de quoi ?... Je ne redoutais rien jusqu’ici… j’ouvre
mes armoires, je regarde sous mon lit ; j’écoute… j’écoute… quoi ?... Est-ce étrange qu’un
simple malaise, un trouble de la circulation peut-être, l’irritation d’un filet nerveux, un peu
de congestion, une toute petite perturbation dans le fonctionnement si imparfait et si délicat
de notre machine vivante, puisse faire un mélancolique du plus joyeux des hommes, et un
poltron du plus brave ? Puis, je me couche, et j’attends le sommeil comme on attendrait
le bourreau. Je l’attends avec l’épouvante de sa venue, et mon cœur bat, et mes jambes
frémissent ; et tout mon corps tressaille dans la chaleur des draps, jusqu’au moment où je
tombe tout à coup dans le repos, comme on tomberait pour s’y noyer, dans un gouffre d’eau
stagnante. Je ne le sens pas venir, comme autrefois, ce sommeil perfide, caché près de moi,
qui me guette, qui va me saisir par la tête, me fermer les yeux, m’anéantir.
Je dors – longtemps – deux ou trois heures – puis un rêve – non – un cauchemar m’étreint.
Je sens bien que je suis couché et que je dors… je le sens et je le sais… et je sens aussi
que quelqu’un s’approche de moi, me regarde, me palpe, monte sur mon lit, s’agenouille
sur ma poitrine, me prend le cou entre ses mains et serre… serre… de toute sa force pour
m’étrangler.
Moi, je me débats, lié par cette impuissance atroce, qui nous paralyse dans les
songes ; je veux crier, – je ne peux pas ; – je veux remuer, – je ne peux pas ; – j’essaie,
avec des efforts affreux, en haletant, de me tourner, de rejeter cet être qui m’écrase
et qui m’étouffe, – je ne peux pas !
Et soudain, je m’éveille, affolé, couvert de sueur. J’allume une bougie. Je suis seul. Après
cette crise, qui se renouvelle toutes les nuits, je dors enfin, avec calme, jusqu’à l’aurore



A Le malaise du narrateur
1- a) À la date du 16 mai, de quoi le narrateur souffre-t-il physiquement ?
b) De quoi a-t-il peur ?
2- a) Pourquoi va-t-il chez le médecin ?
b) Le médecin réussit-il à identifier la cause de ses troubles ?
c) Le diagnostic du médecin est-il alarmant ?

Sagot :

Réponse:

Le 16 mai, le narrateur souffre physiquement de fièvre

Il a peur de la mort, il a l'impression qu'une maladie dont il ne connaît pas encore la nature est en train de se développer dans son corps.

Il va chez le médecin parce qu'il n'arrive pas à dormir

Le médecin observe certains symptômes anormaux, mais il ne parvient pas à expliquer les troubles du sommeil dont souffre le narrateur

Le diagnostique n'est pas alarmant, mais le narrateur n'obtient pas de réponses qui lui permette d'expliquer son etat. Son inquiétude et sa peur restent sonc d'autant plus fortes qu'il ne comprend pas ce qui lui arrive

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