Bonjour j’aimerais avoir l’idée général de ce texte j’arrive pas à comprendre ce qui sous entend svp merci
Cependant, dès que l’on perçoit ses actes, on cherche par conjecture à en pénétrer les motifs, et on les présuppose avec autant de confiance et de sûreté que la cause physique des mouvements sensibles des corps bruts, dans la conviction que les uns comme les autres sont impossibles sans causes. En accord avec ce qui vient d’être dit, nous faisons aussi entrer en ligne de compte, dans la
formation de nos projets et la construction de nos plans, l’influence des divers motifs sur l’esprit des hommes. Nous le faisons même avec une sûreté qui pourrait devenir égale à celle avec laquelle on calcule les effets des appareils de mécanique, si l’on pouvait connaître aussi exactement le ca- ractère individuel des hommes avec lesquels on est en rapport, que la longueur et l’épaisseur des planches, le diamètre des roues, le poids des fardeaux, etc. C’est là une hypothèse (l’influence des motifs sur les actes humains) à laquelle chacun se conforme instinctivement tant qu’il tourne ses regards vers le dehors, qu’il a affaire avec ses semblables, et qu’il poursuit des buts pratiques : car c’est à ceux-là surtout que l’intelligence humaine est véritablement destinée.
Mais dès que l’homme essaie de juger la question au point de vue théorique et philosophique, ce qui n’est pas à proprement parler dans le rôle de son intelligence, et qu’il se fait lui-même l’objet de son jugement, il se laisse tromper par l’immatérialité des motifs humains, consistant en simples pensées, qui ne se rattachent à rien de présent ni à rien de ce qui l’entoure, et dont les obstacles mêmes ne sont que de simples pensées, agissant comme des motifs contraires. Alors il met en doute leur existence, ou, en tous les cas, la nécessité de leur action, et s’imagine que ce qu’il fait, il pourrait aussi bien ne pas le faire, que la volonté se décide spontanément, sans motifs, et que chacun de ses actes est le premier anneau d’une série de modifications impossibles à calculer et à prévoir. Cette illusion se trouve encore renforcée par la fausse interprétation du témoignage de la conscience : « je peux faire ce que je veux », surtout lorsque ce témoignage, qui accompagne du reste tous nos actes, se fait entendre à nous au moment même où s’exerce l’influence de plu- sieurs motifs, s’excluant l’un l’autre, et sollicitant tour à tour la volonté. Telle est, dans toute sa complexité, la source de l’illusion naturelle qui nous fait croire à tort que la conscience affirme l’existence du libre arbitre, en ce sens que, contrairement à tous les principes à priori de la raison pure et à toutes les lois naturelles, la volonté seule soit une force capable de se décider sans rai- son suffisante, dont les résolutions, en des circonstances données, pour un seul et même individu,
puissent incliner indifféremment dans une direction ou dans l’autre.