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Sagot :
Bonjour
« La science a-t-elle le monopole de la vérité ? »
La notion de vérité n'a rien d'univoque et, dès lors, la science n'a pas le monopole du vrai, elle a celui d'une certaine vérité objective. Mais c'est peut-être cette dernière qui est une illusion alors que la "vérité-subjectivité" manifesterait l'Absolu. Comme l'écrit Michel Henry, "Vrai" n'est donc pas en tout premier lieu ce devant quoi il faut s'effacer, afin de le laisser être tel qu'il est en soi, mais ce à quoi il faut prêter assistance, faire le don de sa propre chair, parce que toute vérité essentielle n'advient que comme cette chair de l'Individu et comme sa propre vie" -Michel HENRY, La barbarie. Ainsi, la science, loin d'avoir le monopole de la vérité, laisse échapper dans le réseau de ses concepts, cette vérité-subjectivité où l'Absolu advient à l'être et se manifeste.
La science laisse échapper la vérité immédiate et affective. Cette "vérité-subjectivité", qui est essentielle et que la science ne saurait atteindre, renvoie à un vrai originel et fondamental, objet d'une intuition ou d'un savoir affectif, qui, eux aussi, échappent à la science, laquelle ne possède donc nullement le "monopole" du vrai. Le savoir immédiat est celui qui se donne à moi sans intermédiaires. Comme la connaissance affective, qui le rejoint et le prolonge, il représente une voie fondamentale d'accès aux vérités. Ainsi, sans la médiation des concepts, à travers nos angoisses, nos joies ou nos plaisirs, nos jouissances esthétiques, des formes de savoirs et de vérités, prises au sens non objectif de ces termes, se donnent à nous. On remarquera que la critique bergsonienne du scientisme, faite au début de ce siècle, garde, dans cette perspective, toute sa valeur. Bergson notait que la science, exercice de l'intelligence, saisit les objets de l'extérieur, alors que l'intuition appréhende la "durée concrète" et, d'une manière générale, des formes du vrai essentielles, non exprimables dans les mots, les concepts et le langage. Il résulte de ces analyses que la science est inséparable d'une forme de vérité objective et pratique. La vie profonde et qualitative du réel ne lui est, en revanche, pas toujours accessible. La science oublie la vie ou s'en détourne : évacuant les qualités sensibles ou vivantes du monde, elle élimine ce que nous pourrions appeler l'élan- vital et créateur des choses.
Le savoir scientifique est objectif par nature et nous fait accéder à un type de vérité expulsant la subjectivité. Les données subjectives, qualitatives, vécues, lui échappent donc radicalement. Mais on pourrait, par un cheminement et une critique antithétiques de ceux que nous venons de mener, dire également que la science n'a pas le monopole du vrai. En effet, la science contemporaine est constituée par une multiplicité de savoirs éparpillés, par une poussière de connaissances éclatées.
Or pour que cette prolifération sans unité, éclatée dans tous les sens (par exemple, la mathématique est pulvérisée en une infinité de recherches formalisées, et il en est de même de la physique, où chaque physicien ne connaît qu'une parcelle de ce vaste domaine) prenne une signification humaine, unitaire, cohérente, il faut que quelqu'un d'autre que le savant-intervienne, à savoir un philosophe apportant l'unification des connaissances. Alors, une authentique et nouvelle vérité objective vient à jour : la vérité de la totalisation, de l'unité, de la pensée réflexive faisant le tour des choses. Ainsi, même au niveau "objectif", la science n'a pas le privilège du vrai. Elle ne possède même pas le monopole de la vérité objective, puisqu'elle ne peut se penser et se totaliser elle-même. Elle ne sait pas faire le tour du vrai, puisqu'elle est analytique par essence, malgré l'essor des grandes théories.
Ainsi, non seulement la science poursuit une cheminement étranger à la "vérité-subjectivité", vérité dont l'importance fondamentale doit être soulignée, mais, de surcroît, elle n'a pas le monopole de la "vérité-objectivité", qu'elle ne peut totaliser et unifier.
Pourquoi l'hégémonie troublante du modèle scientifique ? Il est lié, incontestablement, à l'essor d'une intelligence pratique, mais qui expulse du monde la vie, les qualités vivantes et la subjectivité. Or la vérité est multiple, et non point unique, comme nous l'avons vu, et, par conséquent, le rejet, par la science, des vérités qualitatives représente une déviation très grave et anti-culturelle.
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