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JULES

Je marche. Je connais le chemin. C’est mon pays ici. Je marche. Sans lever la tête. Sans croiser le regard de ceux que je dépasse. Ne rien dire à personne. Ne pas répondre si l’on s’adresse à moi. Ne pas se soucier non plus, de ce sifflement dans l’oreille. Cela passera. Il faut marcher. Tête baissée. Je connais le chemin par cœur. Je me faufile sans bousculer personne. Une ombre. Qui ne laisse aucune prise à la fatigue. Le sifflement dans mes oreilles. Oui. Comme chaque fois après le feu. Mais plus fort. Assourdissant. Le petit papier bleu au fond de ma poche. Permission accordée. Je suis sourd mais je cède ma place. Au revoir Marius. Je lui ai tendu le papier bleu qu’on venait de m’apporter. J’avais honte. Je ne pouvais pas lui annoncer moi-même que j’allais partir et qu’il allait rester. Le sifflement dans mes oreilles. Ne pas s’inquiéter. Tous sourds. Oui. Les rescapés. Tous ceux qui ont survécu aux douze dernières heures doivent être sourds à présent. Une petite armée en déroute qui se parle par gestes et crie sans se comprendre. Une petite armée qui n’entend plus le bruit des obus. Une petite armée d’hallucinés qui n’a plus peur et ne sait plus dormir. Et dont les hommes restent, tête droite, regard écarquillé, en plein milieu du front. Nous sommes une armée de sourds éparpillés. C’est tout ce qui reste de nous. Ils avaient prévu que cela se passerait autrement. Une grande offensive. C’est cela qui était programmé. Reprendre l’initiative. Enfoncer les lignes ennemies. Une grande attaque. J’y ai cru moi aussi, quand j’ai vu, à droite et à gauche, tous ces types se lever en même temps que moi. J’y ai cru parce que je n’en avais jamais vu autant. Je me suis dit que, là, ils mettaient le paquet que, là enfin, ils se décidaient à percer les lignes d’en face. Oui, mais maintenant c’est fini. Tout ce qui reste, ce sont des bourdonnements dans l’oreille des rescapés. Et on peut dire que la grande attaque, c’est ceux d’en face qui l’ont faite. Un kilomètre. Ils nous ont mangé un kilomètre. Il a fallu courir vite quand ils ont sonné la retraite pour ne pas tomber aux mains des salauds d’en face. Et tant qu’à perdre un kilomètre, j’aurais préféré que ce soit eux qui chargent. Si on n’arrive pas à percer quand on se lève tous comme ça, si on ne passe pas quand on est des milliers à courir en gueulant, je me demande bien jusqu’où on reculera.


Je dois faire une introduction de commentaire de cet extrait avec:
-Amorce
-Contextualisation
-Situation de l'extrait
-Problématique
-Annonce du plan

Si quelqu'un peut m'aider ca serait gentil
Merci d'avance

Sagot :

Réponse :

Le roman de Laurent Gaudé "Cris" est une sorte de roman polyphonique qui donne à entendre des monologues intérieurs de soldats engagés dans le conflit de la grand guerre. Ici, c'est Jules qui parle à la première personne. Nous avons accès à ses pensées par la focalisation interne.Alors qu'on parle souvent de camaraderie, de fraternité, on peut se demander si le personnage est uni aux autres ou s'il se sent seul. On verra d'abord sa volonté de marcher seul puis de se taire avant d'évoquer un sort partagé avec l'utilisation du NOUS.

I. Je marche seul

II. Je suis sourd et muet

III. Nous : une petite armée d'hallucinés

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