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Le héros George Duroy, jeune journaliste venu de province, doit rédiger un premier article et connaît des débuts bien difficiles... La chambre du jeune hommeau cinquième étage,donnait commesur un abîme profond, sur le tranchée du chemin de fer de l’Ouest, juste au-dessus de la sortie du tunnel, près de la gare des Batignolles. Duroy ouvrit sa fenêtre et s’accouda sur l’appui de fer.Au-dessous de lui,dans le fond du trou sombre, trois signaux rouges immobiles avaient l’air de gros yeux debête ; et plus loin on en voyait d’autres. À tout instant des coups de sifflets prolongés ou courts passaient dans la nuit, les uns proches, les autres à peine perceptibles, venus de là-bas, du côté d’Asnières. Ils avaient des modulations comme des appels de voix. Un d’eux se rapprochait, poussant toujours son cri plaintif qui grandissait , et bientôt une grosse lumière jaune apparutcourant avec un grand bruit ; et Duroy regarda le chapelet de wagons s’engouffrer sous le tunnel.Puis il se dit : « Allons au travail ! » Il posa sa lumière sur la table ; mais au moment de se mettre à écrire, il s’aperçut qu’il n’avait chez lui qu’un cahier de papier à lettres. Tant pis, il l’utiliserait en ouvrant la feuille dans toute sa grandeur. Il trempa sa plume dans l’encre et écrivit, de sa plus belle écriture :
Souvenirsd’un chasseur d’Afrique
Puis il chercha le commencement de la première phrase. Il restait le front dans sa main, les yeux fixés sur le carré déployé devant lui.Qu’allait-il dire ? Il ne trouvait plus rien maintenant de ce qu’il avait raconté tout à l’heure, pas une anecdote, pas un fait. Tout à coup, il pensa : « Il faut que je débute par mon départ. » Il écrivit : « C’était en 1874, aux environs du 15 mai, alors que la France épuiséese reposait après les catastrophes de l’année terrible... »Et il s’arrêta net, ne sachant comment amener ce qui suivrait, son embarquement, son voyage,ses premières émotions. Aprèsdix minutes de réflexion il se décida à remettre au lendemain la page précédente du début, et à faire tout de suite une description d’Alger.Et il traça sur son papier : « Alger est uneville toute blanche... » sans parvenir à énoncer autre chose. Il revoyait en souvenir la jolie cité claire, dégringolant, comme une cascade de maisons plates, du haut de sa montagne dans la mer, mais il ne trouvait plus un mot pour exprimer ce qu’il avait vu, ce qu’il avait senti. Après un grand effort, il ajouta : « Elle est habitée en partie par des Arabes ... »Puis il jeta sa plume etse leva. Sur son petit lit de fer, où la place de son corps avait fait un creux, il aperçut ses habits de tous les jours,jetés là, vides, fatigués, flasquesvilains comme des hardes de la Morgue. Et, sur une chaise de paille, son chapeau de soie, son unique chapeau, semblait ouvert pour recevoir l’aumône. Ses murs, tendus d’un papier gris à bouquets bleus,avaient autant de taches que de fleurs, des taches anciennes, suspectes, dont on n’aurait pu dire la nature, bêtes écrasées ougouttes d’huile, bouts de doigts graissés de pommade ou écume de la cuvette projetée pendant les lavages. Cela sentait la misère honteuse, la misère en garni de Paris.Et une exaspération le souleva contre la pauvreté de sa vie.Il se dit qu’il fallait sortirde là, tout de suite, qu’il fallait en finir dès le lendemain avec cette existence besogneuse. Une ardeur de travail l’ayant soudain ressaisi, il se rassit devant sa table, et recommença à chercher des phrases pour bien raconter la physionomieétrange et charmante d’Alger, cette antichambre de l’Afrique mystérieuse et profonde, l’Afrique des Arabes vagabondset des nègres inconnus, l’Afrique inexplorée et tentante, dont on nous montre parfois, dans les jardins publics, les bêtes invraisemblables qui semblent crééespour des contes de fées, les autruches, ces poules extravagantes, les gazelles, ces chèvres divines, les girafes surprenanteset grotesques, les chameaux graves,les hippopotames monstrueux, lesrhinocéros informes, et les gorilles, ces frèreseffrayants de l’homme. Il sentit vaguementdes pensées lui venir ; il les auraitdites peut-être mais il ne les pouvait point formuleravec des mots écrits. Et son impuissance l’enfiévrant, il se leva de nouveau, lesmains humides de sueur et le sang battant auxtempes.

1- Quelle métaphore filée peut-on associer à la gare ?
2- Sur quoi porte l’article que le jeune homme doit écrire ?
3- Parvient-il à rédiger son article ?
4- Qu’est-ce qui motive le personnage à écrire son article ? Recopie entre guillemets au moins deux citations du texte.
5- Relis l’avant dernier-paragraphe : comment caractériserais-tu l’Afrique ? Développe ta réponse en t’appuyant sur des citations précises du texte.
6- À ton avis, le narrateur donne-t-il dans le texte une image positive ou négative de la ville où habite le personnage ? Justifie ta réponse en recopiant entre guillemets deux éléments du texte.

Sagot :

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