Au moment où Cosette sortit, son seau à la main, si morne et si accablée qu'elle fût, elle ne put s'empêcher de lever les
yeux sur cette prodigieuse poupée, vers la dame, comme elle l'appelait. La pauvre enfant s'arrêta pétrifiée. Elle n'avait
pas encore vu cette poupée de près. Toute cette boutique lui semblait un palais; cette poupée n'était pas une poupée,
c'était une vision. C'était la joie, la splendeur, richesse, le bonheur, qui apparaissaient dans une sorte de
rayonnement chimérique à ce malheureux petit être englouti si profondément dans une misère funèbre et froide.
Cosette mesurait avec cette sagacité naïve et triste de l'enfance l'abîme qui la séparait de cette poupée. Elle se disait
qu'il fallait être reine ou au moins princesse pour avoir une « chose » comme cela. Elle considérait cette belle robe
rose, ces beaux cheveux lisses, et elle pensait : Comme elle doit être heureuse, cette poupée-là! Ses yeux ne pouvaient
se détacher de cette boutique fantastique. Plus elle regardait, plus elle s'éblouissait. Elle croyait voir le paradis. Il y
avait d'autres poupées derrière la grande qui lui paraissaient des fées et des génies. Le marchand qui allait et venait au
fond de sa baraque lui faisait un peu l'effet d'être le Père éternel. Dans cette adoration, elle oubliait tout, même la
commission dont elle était chargée. Tout à coup, la voix rude de la Thénardier la rappela à la réalité : - Comment,
péronnelle, tu n'es pas partie! Attends! je vais à toi! Je vous demande un peu ce qu'elle fait là! Petit monstre, va! La
Thénardier avait jeté un coup d'œil dans la rue et aperçu Cosette en extase. Cosette s'enfuit emportant son seau et
faisant les plus grands pas qu'elle pouvait.
1.En quoi la poupée l'entraîne-t-elle dans un monde constituant une échapatoire à la vie quotidienne ?
(Il y a au moins 2 axes de travail. Etudiez le lexique et ses valeurs symboliques, les figures de style)