Bonsoir,
Expliquez le texte suivant :
« L’ignorance des causes et de l’institution première du droit, de l’équité, de la loi et
de la justice, dispose les hommes à faire de la coutume et de l’exemple la règle de leurs
actions, au point de penser que l’injuste est ce qu’il a été coutumier de punir, et que le juste
est ce de l’impunité et l’approbation de quoi on peut fournir un exemple […] ; semblables en
cela aux petits enfants qui n’ont pas d’autre règle des bonnes ou des mauvaises manières
que les corrections qu’ils reçoivent de leurs parents ou de leurs maîtres : à ceci près que les
enfants sont fidèles à leur règle, alors que les hommes ne le sont pas ; en effet, devenus
vigoureux et entêtés, ils en appellent de la coutume à la raison, et de la raison à la coutume,
comme cela sert leur cause : récusant la coutume quand leur intérêt le requiert, et se
dressant contre la raison chaque fois que la raison est contre eux. Et c’est pour cela que la
doctrine du juste et de l’injuste est perpétuellement disputée, tant par la plume que par
l’épée, alors que la doctrine des lignes et des figures ne l’est pas ; dans ce domaine en effet,
quelle peut être la vérité, les hommes n’en ont cure, car elle ne contrecarre l’ambition, le
profit ou la concupiscence de personne. Mais je ne doute pas que s’il eût été contraire au
droit de dominer quelqu’un, ou aux intérêts de ceux qui dominent, que les trois angles d’un
triangle soient égaux à deux angles d’un carré, cette doctrine eût été sinon controversée, du
moins étouffée, par la mise au bûcher de tous les livres de géométrie, pour autant que cela
eût dépendu de celui à qui elle importait. »
Thomas HOBBES, Léviathan, chap. XI