Du 1° au 12 novembre, lors de la 26° conférence mondiale sur le climat (COP26), à Glasgow, en Écosse, on
parlera du réchauffement climatique. On parlera de la menace de la montée des eaux dans les océans, et de la
conséquence dramatique que cela aura à travers le monde. On en parlera avec conviction, avec élan, on dira l'urgence
des mesures à prendre pour réduire les gaz à effet de serre, pour freiner cette hausse des températures qui semble
inevitable. On en parlera pour l'avenir. Pour la décennie à venir, peut-être pour la fin de ce siècle.
Il existe un peuple pour qui cette catastrophe a déjà commencé. Les Indiens Kunas de l'archipel des San Blas,
sur la côte atlantique du Panama. A l'heure où nous parlons, les Kunas sont contraints de fuir leurs îles où ils sont établis
depuis toujours, à cause de l'envahissement par la mer. Ce n'est pas un cyclone, ni même une tempête tropicale comme
les riverains de la côte de Louisiane ou de Floride l'ont vécu, c'est une montée lente, progressive, une crue tranquille et
d'autant plus effrayante, jour après jour la mer entre dans les villages, envahit les rues, noie les cours et l'intérieur des
maisons. Les habitants doivent partir, échapper à la mer. Il faut monter dans les pirogues, embarquer tout ce qu'on peut,
les vivres, les biens personnels, les animaux d'élevage, les chiens, et partir. [...]
Pourquoi cela m'importe ?
On pourrait parler de paradis sur Terre. Ce serait dévaluer la culture de Tulé. La réduire aux images touristiques,
plages blanches, palmes pliées dans le vent, mer d'un bleu d'émeraude, et ces femmes très libres, d'une étonnante
beauté, cheveux coupés court, visages tatoués sur l'arête du nez, bijou en or dans la narine, vêtues de chemises en tissu
de couleur découpés, connues dans le monde entier sous le nom de << molas »>.
Cette beauté est vraie, mais la vie sur l'archipel est aussi une vie difficile, au jour le jour, dans laquelle il faut
se prémunir contre la disette' et les maladies, récolter le coprah?, et depuis quelques temps lutter contre l'invasion des
narcotrafiquants venus de la Colombie voisine.
C'est tout cela que la montée des océans est en train de détruire. Non pas dans dix ans, dans vingt ans, mais
maintenant. Est-il trop tard ? [...] [Les] pays les plus riches décident de se réunir, encore une fois, en novembre, à
Glasgow, pour établir un plan de contrôle des émissions de gaz à effet de serre, pour interdire l'usage des centrales à
charbon, pour tenter de diminuer la consommation de pétrole, réduire les vols dans la stratosphère, bannir le rejet des
eaux chaudes contaminées par les centrales nucléaires, bref pour tenter de mettre un frein à l'extraordinaire gâchis causé
par notre civilisation moderne de la consommation.
Ces pays riches et pollueurs auront-ils cette fois une pensée pour le peuple de Tulé, cette poignée de gens
merveilleux et sans importance accrochés à leurs îlots oubliés, ce petit peuple courageux qui a su faire de ses terres un
lieu de civilisation et de paix ? Ces pays riches auront-ils devant les yeux, au moment de décider les lois qui vont régir
l'avenir de la planète, l'image de ces hommes et de ces femmes qui sont montés dans leurs pirogues pour fuir sans espoir
de retour l'arrivée du très lent déluge ?
Travail de groupe:
Lisez le texte puis répondez aux questions suivantes :
Jean-Marie Gustave Le Clézio, tribune dans Le Monde, 15 mai 2021
1) Quel est le thème du texte ?
2) A quel moment et pourquoi a-t-il été rédigé ?
3) Quels sont les arguments de l'auteur ?
4) Donnez quelques exemples qui vous semblent intéressants dans le texte.
5) L'auteur cherche-t-il à convaincre ou à persuader ? Justifiez votre point de vue.
Êtes-vous d'accord avec les idées présentées par l'auteur ? Justifiez votre réponse.