Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont
qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de
laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent
l'une en l'autre, d'un mélange si universel qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui
les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut
exprimer, qu'en répondant : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi. »>
Il y a, au-delà de tout mon discours, et de ce que j'en puis dire particulièrement, ne sais
quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que
de nous être vus, et par des rapports que nous voyions l'un de l'autre, qui faisaient en notre
affection plus d'effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du
ciel ; nous nous connaissions par nos noms. Et à notre première rencontre, qui fut par hasard
en une grande fête et compagnie de ville, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés
entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l'un à l'autre.
Les Essais, livre Ier, chapitre XXVIII-Montaigne. 1580.
Questions:
1- Quel mot important du texte nous informe sur le sujet (la thématique) ? Relevez les
autres mots qui lui sont associés ? Quelle phrase est la plus forte et que signifie-t-elle ?
2- Quelles sont les caractéristiques de la véritable amitié selon Montaigne ? Et pour
vous, quelles sont-elles ? 3- Quelle définition de l'amitié pourriez-vous donner à partir
du texte et votre expérience ?