« Coco >> de Maupassant/3ème partie / La vengeance de Zidors Lorsque revint l'été, il lui fallut aller remuer la bête dans sa côte. C'était loin. Le goujat, plus furieux chaque matin, partait de son pas lourd à travers les blés. Les hommes qui travaillaient dans les terres lui criaient, par plaisanterie : A. Hé Zidore, tu f'ras mes compliments à Coco. Il ne répondait point; mais il cassait, en passant, une baguette dans une haie et, dès qu'il avait déplacé l'attache du vieux cheval, il le laissait se remettre à brouter; puis, approchant traîtreusement, il lui cinglait les jarrets. L'animal essayait de fuir, de ruer, d'échapper aux coups, et il tournait au bout de sa corde comme s'il eût été enfermé dans une piste. Et le gars le frappait avec rage, courant derrière, acharné, les dents serrées par la colère. AO- Puis il s'en allait lentement, sans se retourner, tandis que le cheval le regardait partir de son œil de vieux, les côtes saillantes, essoufflé d'avoir trotté. Et il ne rebaissait vers l'herbe sa tête osseuse et blanche qu'après avoir vu disparaître au loin la blouse bleue du jeune paysan. Comme les nuits étaient chaudes, on laissait maintenant Coco coucher dehors, là-bas, au bord de la ravine¹, derrière le bois. Zidore seul allait le voir. 5. 15. L'enfant s'amusait encore à lui jeter des pierres. Il s'asseyait à dix pas de lui, sur un talus, et il restait là une demi-heure, lançant de temps en temps un caillou tranchant au bidet, qui demeurait debout, enchaîné devant son ennemi, et le regardant sans cesse, sans oser paître avant qu'il für reparti. Mais toujours cette pensée restait plantée dans l'esprit du goujat: « Pourquoi nourrir ce cheval 20. qui ne faisait plus rien ? » Il lui semblait que cette misérable rosse volait le manger des autres, volait l'avoir des hommes, le bien du bon Dieu, le volait même aussi, lui, Zidore, qui travaillait. Alors, peu à peu, chaque jour, le gars diminua la bande de pâturage qu'il lui donnait en avançant le piquet de bois où était fixée la corde. La bête jeûnait, maigrissait, dépérissait. Trop faible pour casser son attache, elle tendait la tête 25. vers la grande herbe verte et luisante, si proche, et dont l'odeur lui venait sans qu'elle y pút toucher. 1. Ravine: petit ravin près d'un ruisseau. Défi vocabulaire : a) Relève les sept substituts qui désignent Coco (= les noms ou GN qui désignent Coco, pour éviter la répétition) b) Propose un classement de ces mots, en fonction de leur sens. ********** ******** ***************** Questions/Explication du texte Le texte précédent finit sur la phrase suivante : « Et une haine grandissait en son esprit confus d'enfant, une haine de paysan rapace, de paysan sournois, féroce, brutal et lâche. >> Quels sont les mots de cette phrase illustrés par ce nouveau texte ? Pourquoi ? Justifie chaque choix par au moins une explication précise et des exemples pris dans le texte.