Doc. 1: Marina Tsvetaïeva, Confessions (Extrait) - 11 juin 1920
Dans une note datée du 11 juin 1920, Marina Tsvetaleva se décrit à l'âge de sept ans:
Moi : amour passionné de la lecture et de l'écriture, indifférence aux jeux, amour des A
étrangers, indifférence aux miens, caractère emporté jusqu'à la fureur, amour de soi
à la douleur, retenue et embarras en matière de tendresse, - tout de gré, rien de
démesuré, esprit chevaleresque, précocité amoureuse, allure farouche¹, indifférence
force!- caractère rétif2, résistance, obstination, - émotion aux larmes pour mon S
de me perdre, de disparaître, absence totale de spontanéité : je jouais pour les autres, quand ils me
propre chante - verbe - intonation - non-amour et mépris des nourrissons, - désir
-rompt, ne plie pas ! - droiture innée, en l'absence de toute peur de Dieu (Dieu n'a commencé chez
regardaient, ivresse du chagrin (« tant pis - tant mieux ! »), obstination acharnée (jamais - en vain !)
moi qu'à onze ans, et encore, pas Dieu mais Christ, - après Napoléon !) - en général absence de c
Dieu, - semi-croyance, aucune pensée pour lui, - amour de la nature [...]-
caractère de pouliche³.
Marina Tsvetaïeva, Vivre dans le feu-Confessions, Traduction de Nadine Duourvieux.
¹ Farouche: sauvage/2 Rétif: indiscipliné/3 caractère de pouliche
Doc.2: Michel Leiris, L'âge d'homme (Extrait) - 1939
Je viens d'avoir trente-quatre ans, la moitié de la vie. Au physique, je suis de A
taille moyenne, plutôt petit. J'ai des cheveux châtains coupés court afin d'éviter qu'ils
ondulent, par crainte aussi que ne se développe une calvitie menaçante. Autant que
je puisse en juger, les traits caractéristiques de ma physionomie sont : une nuque
très droite, tombant verticalement comme une muraille ou une falaise, [...] un front S
développé, plutôt bossu, aux veines temporales exagérément noueuses et
saillantes. [...] Mes yeux sont bruns, avec le bord des paupières habituellement
enflammé ; mon teint est coloré ; j'ai honte d'une fâcheuse tendance aux rougeurs
et à la peau luisante. Mes mains sont maigres, assez velues, avec des veines très
dessinées ; mes deux majeurs, incurvés vers le bout, doivent dénoter quelque chose d'assez faible ou
d'assez fuyant dans mon caractère.
Ma tête est plutôt grosse pour mon corps ; j'ai les jambes un peu courtes par rapport à mon
orse, les épaules trop étroites relativement aux hanches. Je marche le haut du corps incliné en avan
'ai tendance, lorsque je suis assis, à me tenir le dos voûté ; ma poitrine n'est pas très large et je n'
ère de muscles. J'aime à me vêtir avec le maximum d'élégance; pourtant, à cause des défauts q
viens de relever dans ma structure et de mes moyens qui, sans que je puisse me dire pauvre, s
Hôt limités, je me juge d'ordinaire profondément inélégant ; j'ai horreur de me voir à l'improviste d
glace car, faute de m'y être préparé, je me trouve à chaque fois d'une laideur humiliante.
Michel Leiris, L'âge d'homme, Éditions Gallimard
Collection Folio n°43