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Explications:
On a souvent observé que la lecture plongeait la conscience du lecteur dans un état qui n’était pas sans similitude avec l’action hypnagogique du sommeil sur notre organisme : l’attention du lecteur est conduite en effet à la lisière de la fantasmagorie, en un point où la lucidité se frange d’impressions nouvelles qui affectent la conscience. Faisons un bref détour par l’Antiquité pour illustrer ce jeu d’actions réciproques. Lucrèce, qui défendait l’idée que l’empreinte laissée en nous par une œuvre d’art influençait la forme de nos rêves, expliquait la venue du sommeil dans le corps par le fait que l’âme du dormeur, littéralement, se déchire [distracta] sous le poids des éléments : « une partie jetée dehors, une autre au contraire chassée au fond du corps [1] ». Or la lecture, croyons-nous, agit rigoureusement de même. Elle déchire la claire conscience du lecteur à la façon de l’assoupissement précédant le sommeil qui sépare brin à brin le réseau attentionnel de l’âme [vis animae] [2]. L’analogie entre l’action de la lecture sur la conscience et celle du sommeil sur l’âme ne mériterait sans doute pas tant d’attention si Proust lui-même n’avait fait le rapprochement dans les pages célèbres qu’il a consacrées à la lecture.
